Infections respiratoires de l’hiver : pourquoi il faut vacciner les personnes à risque
- Jean Pierre Meo
- 27 janv. 2024
- 7 min de lecture
Dr Colas Tcherakian - AUTEURS ET DÉCLARATIONS - 24 janvier 2024 - Medscape
Alors que les infections respiratoires augmentent en France, Colas Tcherakian rappelle l’importance de vacciner les personnes à risque (BPCO, asthme, nourrissons…) et qu’il existe très peu de raisons de repousser une vaccination.
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous, je suis le Pr Colas Tcherakian, pneumologue et immunologiste, et je voulais discuter avec vous de la prévention des infections respiratoires cet hiver, car en ce moment « ça tousse » beaucoup. Actuellement, nous avons dans le service de nombreux patients qui sont hospitalisés pour des exacerbations, c’est-à-dire des aggravations de leurs maladies respiratoires, par des virus. Quels sont-ils ? Comment est-ce qu’on peut éviter ce genre de phénomène ?
Les patients à risque
La première chose dont il faut se souvenir, c’est qu’il y a beaucoup de personnes qui ont une maladie respiratoire. Et attention – une maladie respiratoire, ce n’est pas forcément une maladie sévère où on a de l’oxygène dans le nez. Pour rappel, on a à peu près quatre millions d’asthmatiques en France et il y a plein d’asthmatiques qui se baladent, comme ça, dans la nature, sans traitement spécifique, soit à peu près deux millions d’entre eux. Parfois, d’ailleurs, ils ne sont même pas au courant qu’ils sont asthmatiques.
Et puis on a quatre millions de personnes qui sont porteuses d’une maladie respiratoire comme la BPCO (bronchopathie chronique obstructive), maladie qui va réduire le calibre des bronches, gêner la respiration et survenir, la plupart du temps, après des expositions à des toxiques professionnels ou avec une intoxication volontaire qui est le tabagisme.
Dans tous les cas, ces maladies vont fragiliser les bronches, y compris s’il n’y a pas de symptômes entre les épisodes d’exacerbation. Et le principal risque est l’infection et au moment de l’infection, un passage en hospitalisation, voire le décès.
Une épidémie virale
En ce moment, c’est vraiment la période où il y a beaucoup de virus qui circulent – la carte de France montre très clairement que l’épidémie virale est en pleine expansion et cela va aller encore crescendo pendant quelque temps. On voit, d’ailleurs, dans la circulation des pathogènes qu’il y a tous les types de virus : des virus grippaux, le VRS (qui ne touche pas que l’enfant, mais bien aussi l’adulte), le bêta-pneumovirus, et le simple rhinovirus qui, chez la plupart des adultes sains donne un rhume et qui peut se transformer en catastrophe chez quelqu’un avec une fragilité respiratoire. Et, évidemment, il y a encore du COVID qui circule. Bref, tout ceci fait une soupe de virus qui est prompte à vous envoyer à l’hôpital en cas de fragilité.
La courbe d’évolution des infections est très intéressante car montre comment cela se passe : chaque année, il y a des pics d’infections et une des caractéristiques est que le pic commence par les enfants, ensuite le virus passe aux grands-parents – c’est ce que j’appelle le syndrome du mercredi : vous amenez les petits enfants aux grands-parents pour les garder le mercredi ou pendant les vacances et 72 h plus tard, les grands-parents ont du mal à respirer et ils atterrissent à l’hôpital. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire garder ses petits-enfants par les grands-parents, mais cela veut dire qu’il faut probablement vacciner les grands-parents avant que la catastrophe arrive.
Cas d’une patiente avec BPCO
On va commencer par un exemple simple qui me tient beaucoup à cœur, c’est une patiente de 71 ans que je suis pour une BPCO depuis plusieurs années, avec un diagnostic qui est ancien. C’est une patiente fragile, puisqu’elle a une fonction respiratoire détériorée, avec 15 % de capacité respiratoire. Mais, finalement, elle sortait de réhabilitation où elle était allée se réentraîner, récupérer du muscle, cela avait amélioré la situation. Elle restait fragile, avec une nécessité de ventilation non invasive, mais, voilà, les choses tenaient comme cela depuis plusieurs années. Les vaccinations étaient à jour, en particulier les vaccinations pneumococciques. Et quand je la revois en septembre, on discute des prochaines vaccinations qui vont sortir, en particulier la vaccination contre la grippe, qu’elle fait chaque année, et on discute aussi de la vaccination anti-VRS, vaccination (Arexvy est disponible aujourd’hui, mais n’est pas encore remboursé parce que, pour l’instant, la sécurité sociale et le laboratoire n’ont pas encore « fait affaire », mais il a l’autorisation de mise sur le marché, il est disponible en pharmacie, il sera remboursée dans les mois qui viennent). Et nous discutons du fait qu’elle peut éventuellement s’offrir ce vaccin qui coûte cher, mais qui peut avoir un vrai bénéfice sur la prévention des infections.
Certaines infections virales, qui peuvent être banales chez l’adulte sain, peuvent envoyer les nourrissons, mais aussi des sujets adultes, en réanimation.
Aujourd’hui, cela reste très difficile pour moi d’en discuter, car cette patiente est finalement décédée d’une infection à VRS qui l’a emmené en réanimation et elle a succombé en trois jours d’insuffisance respiratoire aiguë. Donc le message est très clair pour moi. C’est : la prévention des infections virales, qui peuvent être banales chez l’adulte sain, peuvent envoyer les nourrissons en réanimation – c’est le VRS –, mais aussi les sujets adultes, et dans les maladies respiratoires, la BPCO est un facteur de risque majeur de décès. Un tiers des patients hospitalisés pour une infection en réanimation ont un risque de décès et dans une hospitalisation conventionnelle, c’est jusqu’à 10 %. Donc, vraiment, le rôle de la vaccination, ici a tout son sens. Aujourd’hui la mortalité est abaissée dans la BPCO grâce aux traitements qu’on a à notre disposition, que cela soit les traitements inhalés qui baissent la mortalité ou la réhabilitation. Mais aussi, vous l’avez compris, la vaccination. Et celle-ci porte sur les virus essentiellement, et une bactérie, le pneumocoque.
Il faut vacciner les patients à risque contre la grippe, le COVID, le VRS et le pneumocoque.
Donc il faut vacciner contre la grippe, contre le COVID, contre le VRS, contre le pneumocoque, les patients à risque, en particulier les patients BPCO. Et, surtout, proposer des covaccinations, parce que cela augmente l’efficacité sans augmenter les risques. Et en plus, d’ailleurs, vous n’avez les risques de mauvaise tolérance qu’une fois, puisque vous faites les deux vaccins en une fois et cela n’augmente pas les effets secondaires.
Cas d’un patient atteint d’asthme
La deuxième maladie très fréquente, c’est l’asthme : quatre millions d’asthmatiques, dont deux millions qui vont très bien, qui n’ont même pas de traitement, qui ne savent parfois pas qu’ils sont asthmatiques – cela peut se manifester par des toux, des sifflements de temps en temps, quand les gens vont courir, de la bronchite qui traîne quand vous attrapez un rhume. Finalement, rien de grave, et la plupart des asthmatiques ont le sentiment qu’il ne va rien leur arriver.
Or, on a en ce moment dans le service un patient de 32 ans qui vient de faire une exacerbation et qui a failli décéder, alors que c’était un patient jeune, sportif, qui avait de l’asthme, mais qui n’était traité qu’au coup par coup, quand il était un peu gêné, avec un traitement de secours. Donc cela ne serait pas arrivé à n’importe qui et, encore une fois, le fait d’avoir un asthme est une prédisposition majeure à faire des exacerbations sévères avec un risque de décès, et c’est pour cela qu’on propose la vaccination systématique contre la grippe, mais aussi contre le pneumocoque. Et je pense qu’il faudra discuter la vaccination VRS quand elle sera disponible chez ces patients.
Très peu de contre-indications à la vaccination
Autre message : on ne rate pas une vaccination et on ne rate pas une vaccination pour de mauvaises raisons. Et je reviens ici sur des lieux communs, des idées populaires qu’on a sur la vaccination et sur les contre-indications à la vaccination, et en particulier une qui fait repousser régulièrement les vaccinations à tort. On sait qu’une vaccination qui est non faite est un risque de décès le lendemain et, surtout, qu’elle risque de ne jamais être faite. Il n’y a pas, par exemple, en période d’infection, de contre-indication à la vaccination. Cela peut paraître étonnant, mais ce n’est pas parce que vous faites un rhume – et en hiver, il y a toujours quelqu’un qui a le nez qui coule, qui a un peu de fièvre – que c’est une mauvaise indication à le vacciner. On a montré que la réponse immunitaire était aussi bonne pendant une infection qu’en dehors d’une infection. La seule contre-indication, c’est le choc septique. Mais le choc septique, vous êtes en réanimation, vous êtes en train de mourir, il y a une chance sur deux que vous ne vous en sortiez pas – la discussion n’est pas de savoir s’il faut vacciner ou pas, la discussion est ce qu’on va réussir à vous sauver.
Une vaccination non faite peut constituer un risque de décès le lendemain.
Aujourd’hui, on vaccine les patients qui sont en exacerbation. L’exacerbation d’une maladie respiratoire, l’asthmatique qui vient en sifflant au cabinet en vous disant « ça ne va pas, j’ai attrapé un rhume », surtout vous le vaccinez au moment où il est là avec la vaccination contre la grippe, parce que même si c’est une grippe, ce n’est pas gênant, et si ce n’est pas une grippe, cela lui évitera l’exacerbation suivante.
On peut vacciner les gens sous une prise de corticoïdes aiguë !
Donc l’infection active, l’exacerbation, mais aussi la prise de corticoïdes – la prise de corticoïdes, souvent on dit « non, il ne faut pas vous vacciner » – en fait, c’est faux. On peut vacciner les gens sous une prise de corticoïdes aiguë pour un lumbago, pour une exacerbation d’asthme, pour une exacerbation de BPCO sévère vous avez mis des corticoïdes, ce ne sont pas des contre-indications. Cela baisse la réponse immunitaire de 20 %, cela n’enlève pas les qualités de la réponse et il vaut mieux vacciner les gens avec une réponse à peine diminuée, non significative, que rater la vaccination.
Il n’y a pas de bonne raison de repousser une vaccination
Donc pas de mauvaises excuses pour ne pas se faire vacciner – il faut vraiment insister auprès des patients et il faut changer la mentalité des soignants, médecins généralistes, pharmaciens. Tous les gens qui participent à la vaccination doivent avoir en tête qu’on ne repousse pas une vaccination, il n’y a pas de bonne raison de repousser une vaccination, cela ne baisse pas le risque d’efficience de la vaccination d’avoir une maladie en cours ou un traitement antibiotique ou un traitement corticoïde. Vraiment, il faut faire passer ce message, il est fondamental.
Voilà, j’espère que vous avez envie, aujourd’hui, d’aller vacciner les gens que vous croisez avec des maladies respiratoires. Et faites passer le mot : jamais de contre-indication à la vaccination !
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