Des destructions cachées d'étoiles par les trous noirs révélées par le télescope James-Webb !
- Jean Pierre Meo
- 30 juil.
- 3 min de lecture
Les trous noirs supermassifs sont des ogres cosmiques, dont on ne comprend cependant pas encore très bien comment ils naissent et grandissent. Pour y voir plus clair à ce sujet, on peut étudier la façon dont ils détruisent des étoiles et c'est ce que l'on commence à faire avec le télescope spatial James-Webb.

On attend du James Webb Space Telescope (JWST) non seulement qu'il repousse les frontières de nos observations dans l'espace et le temps en donnant accès à des strates de lumière profondes de l'histoire du cosmos observable, mais aussi qu'il renouvelle notre connaissance d'objets nettement moins lointains, déjà étudiés avec des instruments comme Hubble dans l'espace ou le VLT sur Terre.
Une équipe de chercheurs a récemment publié un article dans Astrophysical Journal Letters qui porte sur la détection, avec le JWST, d'événements monstrueux déjà observés avec d'autres instruments : la destruction totale ou partielle d'étoiles au voisinage de trous noirs supermassifs. On pouvait suspecter dans les grandes lignes l'occurrence de ce phénomène dès les années 1960, quand on a commencé à inférer l'existence de ces géants au cœur des galaxies, en proposant qu'ils soient derrière l'extraordinaire luminosité des quasars en accrétant de la matière.
Aujourd'hui, l'existence de trous noirs supermassifs au centre de toutes les grandes galaxies ne fait plus de doute, ou pour le moins d'objets qui d'un point de vue astrophysique se comportent comme eux. Les images fournies par la collaboration Event Horizon Telescope, en ce qui concerne les trous noirs M87* et Sgr A*, sont particulièrement convaincantes à cet égard.
Toutefois, on sait aussi que certaines galaxies sont particulièrement poussiéreuses et cachent même le rayonnement pourtant puissant dans le visible et le domaine des rayons X des explosions de supernovae. Par contre, les poussières laissent passer un partie du rayonnement infrarouge et c'est pour cette raison qu'on s'attendait à voir avec le JWST l'effet des trous noirs supermassifs sur les étoiles passées trop près d'eux, mais quand ceux-ci sont initialement des trous noirs dormants, accrétant peu de matière, comme c'est le cas de celui de notre Voie lactée.
Des événements de rupture par effet de marée
Pour être précis en utilisant le jargon et le concept des astrophysiciens, ce qui a été cherché avec le JWST, ce sont ce qu'ils appellent en anglais des Tidal disruption events (ou TDE), que l'on peut traduire par « événements de rupture par effet de marée ».
Jean-Pierre Luminet a été un des pionniers de l'étude théorique de ces TDE il y a presque 45 ans avec l'un des grands théoriciens des trous noirs, l'Australien Brandon Carter. Les deux astrophysiciens relativistes, tous deux à l'Observatoire de Paris à cette époque, avaient exposé leurs travaux dans un article du célèbre journal Nature en 1982, suivi d'un autre dans Astronomy & Astrophysics en 1983.
Ils y expliquaient qu'un TDE se produit avec une étoile dont la trajectoire trop rapprochée d'un trou noir supermassif conduit ses forces de marée à comprimer l'étoile jusqu'à produire ce qu'ils ont appelé une crêpe stellaire - en raison de la forme de la déformation causée par ces forces. L'étoile pouvait finir par exploser en réponse, et ses débris étaient donc avalés en partie par l'astre compact.
Le regard perçant en infrarouge du JWST
Les TDE sont plutôt rares, car on estime qu'il ne s'en produit qu'un tous les 10 000 à 100 000 ans à l'échelle des galaxies, alors que des supernovae classiques arrivent tous les 100 ans environ dans la Voie lactée. Comme on l'a déjà laissé entendre, on les remarque difficilement, car la poussière de notre Galaxie peut les rendre invisibles à l'œil nu. Cela explique pourquoi certains restes de supernovae qui se sont produits au cours des derniers siècles dans la Voie lactée n'ont été découverts qu'avec les instruments de l'astronomie moderne. De même, les scientifiques ont observé environ 100 TDE depuis les années 1990, principalement sous forme de rayons X ou de lumière visible qui traversent des galaxies relativement exemptes de poussière.
Aujourd'hui, un communiqué du MIT a donc officialisé la publication de l'article expliquant que quatre TDE ont été observés par le JWST avec son regard infrarouge perçant.
Megan Masterson, auteure principale de l'article et doctorante à l'Institut Kavli d'astrophysique et de recherche spatiale du MIT, y précise : « Ce sont les premières observations du JWST d'événements de perturbation par effet de marée, et elles ne ressemblent en rien à ce que nous avons observé auparavant. Nous avons appris que ces phénomènes sont bel et bien alimentés par l'accrétion de trous noirs et qu'ils ne ressemblent pas à l'environnement habituel des trous noirs actifs. Le fait que nous puissions désormais étudier à quoi ressemble réellement l'environnement dormant d'un trou noir est un aspect passionnant. ».
Sources : futura-sciences.com
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